Le télétravail impacte pronfondément notre façon de travailler et modifie en profondeur notre relation au travail, bien au-delà d’une simple délocalisation de notre lieu de travail.
Voici l’évolution des représentations du télétravail sous une forme chronologique (avant, pendant, après le confinement de mars 2020), les problématiques soulevées lors de ce voyage dans le monde du travail et des pistes de réflexion pour rebondir sur ce contexte surprenant.
En l’espace d’un mois et demi, des croyances ont disparu, d’autres ont émergé, nous propulsant dans un monde dont nous percevons chaque jour le mouvement. Comment le télétravail était-il perçu avant le confinement? Chacun en avait une idée, l’expérimentant ou pas. L’expérience du confinement a permis à presque tous de s’en faire une autre perception en exerçant en télétravail, dans des conditions toujours particulières.
Trois questions se posent aujourd’hui : Qu’en a-t-on retenu à la sortie du confinement et de la crise sanitaire ? En quoi les conditions de travail ont-elles été impactées ? Et surtout, en quoi toutes ces informations nous sont utiles pour créer une nouvelle ère du travail?


                                                       ————————–

CE QUE LE TÉLÉTRAVAIL RÉVÈLE DU TRAVAIL

SOMMAIRE

SAISIR UNE SITUATION ET EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ

– Un stage compromis et redessiné- Un contexte « extra » ordinaire

– Des contributeurs concernés et impliqués

I – L’ÉTAT DES LIEUX : UN DESORDRE GLOBAL

            A – Des situations différentes en amont au regard du télétravail

            B – Des usages et des comportements figés avant d’être bousculés

1 – La frilosité des entreprises à autoriser le télétravail

2 – L’autorisation de télétravailler dépend du bon vouloir du manager

3 – Des représentations négatives sur les personnes

4 – La culture de l’entreprise ne l’envisage pas

5 – Le télétravail est justifié en raison de la réduction du temps de transport

6 – Le télétravail est un privilège

7 – Le télétravail ne peut pas être à 100% car il distend le lien professionnel

8 – Le télétravail suppose des moyens techniques et, notamment, de sauvegarder la confidentialité des données

            C – Plongée en profondeur dans les enjeux implicites

1 – Au fond, qui décide ?

2 – Le télétravail s’annonce comme un nouveau mode de travail à distance

3 – Le débat sensible entre Égalité et Équité

                                    COUP DE THÉÂTRE

II – L’EXPÉRIMENTATION : LE TÉLÉTRAVAIL PENDANT LA PÉRIODE DE CRISE SANITAIRE 


            A – Sous la contrainte, des verrous sautent

– L’organisation du travail est assouplie

– Les questions de matériel sont balayées

– La qualité des relations de travail est reconsidérée

– La culture d’entreprise évolue

            B – Les vécus des professionnels

            C – Les problématiques émergentes

            D – Les découvertes 

> La conscience professionnelle

> La richesse des regards croisés sur le travail

> La modification du rapport au travail

III – LE RETOUR D’EXPÉRIENCE : LE TÉLÉTRAVAIL, DES CONVERGENCES GLOBALES

            A – Les atouts

            B – Les limites

            C – Les points d’attention

> Détendre le système

> Préférerl’angle humain àl’angle outil
> Cadrer pour élever

> Rester en lien

            D – Les problématiques, enjeux explicites

Encadré : RÉFLEXION EN APARTÉ
Le management, dimension subtile de tout métier

IV – EN CONCLUSION
– Un besoin viscéral de communication
– Un besoin structurant de cadre

– La nécessité de concevoir un parcours professionnel pragmatique de manager

– La valorisation de l’expérimentation contre le postulat d' »impossible a priori »

– Une meilleure liaison entre travail prescrit et travail réel

V – REMERCIEMENTS

VI – BIBLIOGRAPHIE

CE QUE LE TÉLÉTRAVAIL RÉVÈLE DU TRAVAIL

SAISIR UNE SITUATION ET EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ

> Un stage compromis et redessiné

En mars 2020, Nathalie Trzesniowski, inscrite en DIU Management psychologique des organisations à Grenoble s’apprête à effectuer son stage de fin d’études. 
Le 17 mars, la France entière est confinée. 
« Le stage que je devais réaliser dans le cadre de mon DIU et supposé commencer début avril 2020 au sein de l’entreprise CALYPSO avait été reporté à la fin du confinement et, naturellement, son objet s’est redéfini. Je voulais travailler sur l’hypothèse qu’un management veillant à l’existence de marges de manœuvres et au pouvoir d’agir des professionnels, favorisait une « bonne santé » pour les professionnels comme pour l’entreprise. Mon objectif était de rencontrer des managers, décideurs et chefs d’équipe, d’observer et écouter leur rapport à leur management et à ses effets sur leurs équipes. Je voulais savoir quels sont les principes et les conditions qui favorisent tel type de management.  

De son côté, Nathalie Martinez, alors co-gérante de CALYPSO, aujourd’hui gérante du 5ème ELEMENT, s’interroge sur le télétravail. Les médias relatent les divers vécus du télétravail, entre ceux qui sont installés dans une maison avec jardin, ceux qui gèrent en même temps leurs enfants, ceux qui sont installés sur un tabouret, ceux qui n’aiment pas rester chez eux… Autant de diversité qui interroge la question même du télétravail voire du travail tout court. 
De par son expérience et sa lecture globale des situations, Nathalie Martinez souhaite apporter son regard de professionnelle sur ce nouveau travail à distance, faire prendre de la hauteuret amener les décideurs à partager leur réflexion en dehors de la « simple » question logistique. 

Finalement, l’expérience du confinement a fait émerger cette question« Le manager est-il l’acteur central pour permettre le maintien du lien entre les collaborateurs et garantir le sens du travail ? Et dans l’affirmative, comment ? »
Au fur et à mesure des entretiens elle tourne autour du rôle et de la place du manager dans la permanence d’un cadre suffisant et suffisamment repérant pour maintenir le fonctionnement et l’existence des équipes.Quels sont les contextes favorables qui permettent au manager de tenir son rôle de repère et de cadre (maintien/soutenant) pour ses équipes ?

> Un contexte « extra » ordinaire 

Nous venons de vivre une expérience, tant à l’échelle internationale que locale, qui a touché toutes les dimensions de nos vies. Le télétravail s’est imposé comme LA solution à chaque fois que possible. Ce fut un saut dans le grand bain, sans préparation pour certains, relativement familier pour d’autres, appelant une grande agilité pour beaucoup. Début juillet, nous sortions de notre état d’urgence personnel, professionnel, collectif, individuel… Nous étions au tout début de notre prise de recul, un moment favorable pour récolter les premiers fruits de cette expérience, toujours d’actualité.

Cette restitution va s’échelonner dans le temps et respecter les étapes vécues par les contributeurs. Regards croisés, réflexions d’hommes et de femmes sur une évolution du travail en cours, cette enquête, nous l’espérons, vient bousculer nos repères. Elle nous interpelle sur notre mode de fonctionnement, sur l’émergence d’une faculté transversale à structurer et fluidifier les interactions, le management.

Nous allons suivre l’évolution des représentations du télétravail sous la forme chronologique avant d’extraire les problématiques de ce voyage dans le monde du travail.
En l’espace d’un mois et demi, des croyances ont disparu, d’autres ont émergé, nous propulsant dans un monde dont nous percevons chaque jour le mouvement. Comment le télétravail était perçu avant le confinement. Chacun en avait une idée, l’expérimentant ou pas. L’expérience du confinement a permis à presque tous de s’en faire une autre idée en exerçant en télétravail, bien que dans des conditions particulières. Deux questions se posent aujourd’hui : Qu’en a-t-on retenu à la sortie du confinement ? En quoi les conditions de travail ont-elles été impactées ?

Nous tenterons de faire le lien entre les situations citées et les problématiques sous-jacentes, en mettant en exergue les points saillants, ce qui émerge à chaque fois que l’on parle du télétravail et de quoi est-ce que cela nous parle dans notre activité professionnelle au quotidien.
Notre lecture est résolument constructive et positive. Loin de sombrer dans le béni oui-oui, il nous apparaît résolument essentiel d’être confiantes dans ce qui émerge du chaos dans lequel notre économie et le monde du travail a été projeté. Du déséquilibre naît l’équilibre. 


Sous d’autres cieux, à une autre époque de bouleversement économique, l’extrait ci-dessous de Evolution des organisations et du management – Histoire du management, fin du XIXème siècle en atteste :

Zone de Texte: Extrait de Evolution des organisations et du management Rétrospective et prospective Ed ems management et société Histoire du management, fin du XIXe siècle - Luc Boyer et Noël Equilbey

" ... la multiplication d’usines développe à la fois l’intégration verticale des activités, la division du travail et une rupture totale du monde de l’entreprise avec ceux de l’artisanat et la manufacture " ...  " L’application de ces concepts et méthodes, entraînant l’augmentation de la taille des usines, va demander de plus en plus de compétence et de maîtrise aux ingénieurs et à une nouvelle catégorie de cadres, celle des managers " … "ou de compétences managériales, la signification de notre vie au travail et du travail lui-même."... " Le rôle de ces derniers va être progressivement reconnu afin de pallier les inconvénients d’une trop grande division du travail dont les coûts humains sont de plus en plus perçus et pris en compte. Il faudra attendre la moitié du XXe siècle pour diffuser dans les ateliers le concept d’enrichissement de travail destiné à réduire les conséquences néfastes d’une division du travail trop poussée. Le management sera très influencé par la pression de cette conception rationnelle et quasi scientifique de l’organisation ".

> Des contributeurs concernés et impliqués

118 entreprises, coopératives, administrations ou associations ont été contactées par mail et via LinkedIn. 56 entretiens ont été programmés. 51 d’entre eux ont été réalisés du 2 juillet au 31 juillet 2020 pour 35 organisations différentes.

Qui sont-elles ?
De la coopérative de 9 personnes à la multinationale de 260000 personnes, couvrant des domaines aussi variés que la construction automobile, l’industrie de pointe, la start-up, la profession libérale, le syndicat, l’association loi 1901 et l’administration.


35 organisations
 Type   Nombre de salariés (Établissements en France) 
Administrations – Associations69 à 3000
SCOP19
ETI2400 à 2500
GE105000 à 8000
PME1220 à 250
TPE45 à 20

Des dirigeants et dirigeantes, des directeurs et directrices des Ressources humaines, des managers au bout du fil.


51 participants
 Genre  Fonction                 Fonction/Genre
Homme25Dirigeant15Dirigeant Homme7
Femme26Ressources Humaines17Ressources Humaines Homme8
 Manager19Manager Homme10
  Dirigeant Femme8
  Ressources Humaines Femme9
  Manager Femme9

Tous les cas de figures se sont présentés : du professionnel aux fonctions très cadrées, dans un organigramme bien défini au dirigeant à la fois décideur et manager.

« Lors d’entretiens téléphoniques, j’ai échangé avec ces dirigeants, DRH et managers sur la culture de leur organisation en matière de travail à distance. » précise Nathalie Trzesniowski. 

Notre démarche consiste à proposer aux participants un état des lieux sur leur expérience par le biais de cet entretien puis d’un retour collectif à partir de l’ensemble des expériences individuelles. 

Un ensemble de questions, véritable colonne vertébrale de cette enquête, ont structuré les entretiens : 

Qu’en était-il avant cette crise ? 
Comment avaient-ils vécu cette période particulière ? 
Aujourd’hui quel premier bilan pouvaient-ils faire ? 
Avaient-ils le sentiment que quelque chose avait changé dans leur organisation ? Qu’en était-il pour eux-mêmes ?

Comment avaient-ils géré, organisé ou accompagné les professionnels de leurs équipes dans le cadre du travail à distance ? 
Qu’avaient-ils mis en place de spécifique ? 
Que souhaitaient-ils pérenniser ou voir pérenniser et partager ? 
Quels outils ou approches avaient-ils eu pour favoriser un travail d’équipe, garantir la qualité de l’investissement des professionnels d’une part et leur santé mentale d’autre part ?

Au fur et à mesure de l’avancée des travaux, nous sommes à même de partager avec nos lecteurs l’évolution des représentations sur le télétravail et surtout ce que la pratique ou l’exercice du télétravail nous révèle du travail, nous apprend sur le management, le cadre et la question même du travail.

I – L’ÉTAT DES LIEUX : UN DESORDRE GLOBAL 

            A – Des situations différentes en amont au regard du télétravail 

Une grande disparité existe chez les acteurs économiques, un grand désordre général.
Nous recensons trois grands types de situations :  

– Le télétravail n’est pas pratiqué : souvent c’est la « position du directeur » ou une incompatibilité avec les conditions d’exercice ou la nature de l’activité qui sont invoqués.

– Le télétravail est plus ou moins cadré et/ou pratiqué mais la pratique n’est pas encouragée. Le télétravail existe, il peut être encadré par une charte ou pas, il est accompagné d’avenant, etc. Cependant, il est très peu utilisé. 
C’est souvent son image et la crainte d’être « mal vu » qui empêche une utilisation plus importante, tout au moins officiellement.

– Le télétravail est plus ou moins cadré et/ou pratiqué de manière libre : il est déjà en place, des chartes peuvent exister. Il peut parfois être « libre » : « on s’organise en fonction du travail, avec bon sens ». 
Un autre mode de contrôle a pu être mis en place au sein duquel la confiance est « suffisante », et les outils logistiques sont adaptés et prévus.

Quoi qu’il en soit, un doute subsiste sur la qualité du travail fourni à distance et sur la nécessité de réunions supplémentaires chronophages.

ARRET SUR IMAGE

AVANTPanorama des 
situations rencontrées
Télétravail non pratiqué– « Pas dans la norme. » 
– « Le client paye cher, il veut que le consultant soit toujours présent » 
– « Pas du tout dans les habitudes de la maison » 
– « Beaucoup de personnes à temps partiel. » 
– « L’essentiel du travail se fait auprès du public. Position de la Direction : pas de télétravail pour les professionnels qui travaillent en lien direct avec le public. »
Télétravail peu pratiqué– « Une seule personne avait fait la demande : il fallait faire un diagnostic électrique à la charge de l’employé. » – « Négociation directe : décision individuelle. »
Télétravail pratiqué en fonction des métiers– « Pratiqué depuis toujours par les associés » 
– « Métiers éligibles, pas pour les opérationnels » 
– « Partie industrielle : personne n’est en télétravail pour des raisons d’équité car tous les postes n’y sont pas éligibles. »
Télétravail individualisé »sous réserve de confiance »– « Accord sous réserve de confiance : lié à la relation avec le manager direct. » – « Accord pour éviter des trajets inutiles par exemple »
Télétravail faisant l’objetd’un accord, d’une charte ou d’une convention4 types d’accord : 
– Accord régulier : 1j/semaine, mardi ou jeudi avec 3 mois de période d’essai puis accord sur 1 an (avenant) 
– Accord souple : 10j/an maxi 2j cumulés (même process y compris avenant). 
N’importe quel jour avec accord du manager 
– Accord de circonstance : lié à des grèves par exemple.
– Accord ponctuel pour des personnes en capacité de travailler mais pas de se déplacer (jambe cassée, grossesse…).
Télétravail indemniséEn contrepartie, fourniture de matériel par l’entreprise et prime annuelle 
Télétravail non cadré– « Pas de politique très claire : politique tacite » – « Peu cadré : confiance de l’entreprise. »
– « C’est selon : 1j ou 1,5j/semaine selon les services et les managers. »

Pratique du télétravail pour les 35 organisations participantes avant la période de confinement

27 organisations pratiquent le télétravail8 organisations ne pratiquent pas le télétravail
14 organisations ont mis en place une charte, une convention ou un accord QVT en plus de l’avenant individuel au contrat de travail 
3 organisations proposent uniquement l’avenant 
10 organisations restent dans une pratique informelle du télétravail 


Cela induit que la plupart des organisations qui pratiquent le télétravail ont eu à en inscrire les modalités dans le cadre d’une charte. Ce besoin de formaliser exclut la décision individuelle au coup par coup.

Les organisations qui ne formalisent pas évoquent « le bon sens et l’intelligence collective ».



Les convergences
Dans tous les cas, l’accord du manager est incontournable. 

Situation 1 – Le télétravail est déjà en place, ce mode est familier : sa généralisation ou son élargissement ont été facilités au démarrage. Les professionnels ont déjà l’habitude de télétravailler, l’organisation a déjà le matériel. 
Le manager nourrit cette pratique déjà ancrée dans la culture de l’entreprise.

Situation 2 – Le télétravail n’est pas instauré, il bouscule les habitudes. L’organisation a été difficile au démarrage mais, finalement, souvent vécue comme assez « agile ». 
Le manager, par son attitude ouverte ou agile, rend l’organisation agile.

La mise en place de l’organisation des services 100% en télétravail et sur la durée a demandé à l’ensemble des organisations de procéder à un véritable travail de construction, souvent de co-construction, vécu de manière différente selon les contextes. Il révèle beaucoup de convergencesissues des usages des personnes en télétravail.Le besoin de s’adapter à une situation externe d’urgence collective a mis en évidence le bon sens, le pragmatisme etles façons de faire.

            B – Des comportements et des usages figés avant d’être bousculés

Concrètement, que nous dit-on par le biais du télétravail ? De quoi parle-t-on ? A quoi se heurte le télétravail ? 


1 – La frilosité des entreprises à autoriser le télétravail

En quelque sorte, « ne pas oser y aller » décourage le dialogue, éteint toute envie de dialogue sur ce sujet, sensible, du temps consacré à travailler hors de l’espace de l’entreprise. 
Ne pas vouloir c’est souvent craindre. Nous pouvons nous demander quelles peurs sont activées pour éviter, négliger ou repousser le dialogue.

Ces craintes sont exprimées ou évoquées comme si l’entreprise prenait un « risque » car il y aurait danger : 
– crainte de perte de contrôle du travail et des personnes, crainte du travail a minima ou au contraire de la montée en compétence qui fait craindre une possible remise en cause de certains modes de management
– crainte de laisser-aller
– crainte de perte d’implication
– crainte de déplaire et de voir faire valoir des choix pouvant être mis en discussion. Cela rejoint la question de l’autorité. Est-ce que je fais bien ? En creux, cela pose la question de savoir quelle est ma marge de manœuvre, quel est mon cadre ?

Le cadre appelle l’autorité de la décision, cette autorité tant convoitée et, souvent, si mal exploitée. Le confinement a créé une situation permettant de conforter le cadre avec la pratique et de le confronter à la pratique. 
Avec la Covid, nécessité fait loi. Ce qui n’était pas envisageable est devenu possible en 48h. Une nécessité salvatrice de notre santé publique et, un tant soit peu, de notre économie.

L’enquête fait émerger plusieurs problématiques implicites.
Avant le confinement, les personnes expliquent majoritairement qu’il y a ou non un cadre et qu’il est ou non respecté : ils ont une connaissance empiriquede la question pour leur entreprise. Cette connaissance est aussi faite de représentations, de croyances, de non-dits, de pratiques hors cadre dans le sens où « officiellement, il n’y a pas de télétravail ».

En revanche, il est facile de dire si l’entreprise c’est-à-dire la direction est pour ou contre. Prendre telle ou telle position, oui mais pourquoi ? Expliciter sa décision paraît parfois superflu car cela semble évident. Et pourtant, que de malentendus et interprétations évités à l’énoncé des raisons.

2 – L’autorisation de télétravailler dépend du bon vouloir du manager
Il s’agit ni plus ni moins d’une culture d’entreprise, car, dans les faits, le télétravail est pratiqué. Au-delà de la question de l’organisation concrète, cela représente plutôt « une garantie pour l’entreprise ».La « culture du chef », du maître à bord, s’interpose comme un garde-fou. 

Face à ce constat, le pouvoir du manager paraîtdisproportionné. Est-ce à lui seul ou à lui, appelé en dernier recours, de décider ? 

« Des managers ne sont pas favorables, cela fait partie de la règle. » Édictée ainsi, cette affirmation renvoie plus à un positionnement arbitraire qu’à une règle. 

Dès lors, nous pouvons nous demander comment se positionne la Direction sur ce sujet. 
En filigrane, apparaissent 2 questions. 
La première porte sur la confiance de l’entreprise en son personnel via ses managers. 
Plus profonde, la seconde porte sur la définition même de la confiance qui, brandie comme un étendard dans le monde des responsabilités, donne parfois aux managers l’impression d’être livrés à eux-mêmes. 
Extrait de Laurent Karsenty pour nourrir la réflexion.

Les managers de proximité, puisque l’on parle souvent d’eux, sont la courroie de transmission entre la direction et l’opérationnel. 
Si l’arbitraire est une de leurs responsabilités, cela signifierait que la Direction leur laisse le champ libre en leur donnant des directives précises dans un sens ou dans l’autre ou… en se déchargeant sur eux. Les manager se débrouillent. Ceci expliquerait la multiplicité des pratiques dans une seule et même organisation.
Or, ne revient-il pas à la Direction, dans sa mission de donner une direction, de cadrer les responsabilités des managers et de les faire jouer à l’unisson comme un chef d’orchestre ? La Direction manage aussi ses managers, dans une vision systémique globale fonctionnant grâce à la connaissance des multiples interdépendances entre les uns et les autres.

Au quotidien, comment cela se passe-t-il pour eux ? Ont-ils l’aptitude suffisante, parfois l’appétence, pour encadrer leurs équipes c’est-à-dire donner des consignes claires, se faire entendre, comprendre, et suivre leurs équipes au sens managérial du terme en sanctionnant, reprenant, félicitant, animant ?
Le manager de proximité, cheville ouvrière entre opérationnels et Direction, est souvent pris entre le marteau et l’enclume. Le flou artistique sur son périmètre, sa marge de manœuvre, pas assez cadrée, amène des comportements très différents d’un manager à un autre. Ici, le bât blesse. 
Comment faire ? A qui parler de ses interrogations quand il doit ou pense devoir inspirer la crainte souvent confondue avec l’estime ?
Cette impuissance professionnelle est cause de bien de désillusions et de mal être. Le leur et celui des collaborateurs qui essuient les plâtres. L’insécurité se propage de la tête au corps de l’équipe.

 
Leur absence de cadre renvoie à l’absence d’implication ou de compréhension de la Direction à leur encontre. Les interrogations sur leur travail sont multiples, l’apprentissage est long et ne peut se faire qu’en expérimentant en direct. Là, les personnalités se révèlent. Avant, c’est une rêverie. C’est quand je suis vraiment confronté à une difficulté que je sais ce que ça me fait et ce que je vis.

Muscler la posture managériale est un parcours au long cours qui confère une étoffe singulière au métier de manager.

3 – Des représentations négatives sur les personnes
Une croyance collective assez répandue réservait le télétravail à une  » élite  » c’est-à-dire des professionnels ayant un niveau de formation important. Il renvoyait à un manque de confiance dans les capacités des « subalternes » à se responsabiliser, à se passer d’une certaine forme de cadre, le cadre coercitif. Il oblige donc à repenser son management. 
Mais qu’est-ce qu’être subalterne ? Lors d’un entretien, un manager s’étonne : « L’équipe a été agile. » 

Cette croyance portait en son germe également comme une forme d’oisiveté organisée, illustrant ainsi le vieil adage de « pas vu, pas pris ». Le télétravail devient alors une sorte de privilège qui ne dit pas son nom, qui soustrait la personne au regard contrôlant de ses collègues et de son supérieur hiérarchique. Comme dans une salle de classe… Des auteurs, tels Renaud Sainsaulieu, élargissent notre vision dans un court extrait :

4 – La culture de l’entreprise ne l’envisage pas
Rien n’est organisé a priori en ce sens, ce qui fonde la croyance selon laquelle le télétravail serait trop compliqué à mettre en œuvre. La culture du présentiel est très forte. Elle renvoie à la normalité qui est de travailler sur site, preuve également de son « engagement ». Or, l’engagement est d’abord une question d’intention qui entraîneensuite l’engagement du corps. La présence n’est pas une preuve d’engagement, l’action oui.


Faire évoluer les mentalités par la parole est très difficile et requiert de convaincre par la raison et les arguments et l’émotion. Les verbatimsont nombreux qui parlent de « gros bloqueurs », de « Direction pas convaincue », de « vieille société », de télétravail « rendu possible suite à un changement de propriétaire » ou « non encouragé ».

Parfois, la « position du directeur » est évoquée comme imperméable, sans lien avec la réalité des professionnels, ou bien celle des actionnaires… Un positionnement fermé est posé. Il est imposé et ne laisse de place ni à la réflexion ni à une étude de faisabilité.

Ce « non » sans appel renferme à lui seul toutes les inconnues de cette équation qui se joue en sourdine avec l’évolution des mentalités et l’arrivée des jeunes sur le marché du travail, en quête de souplesse, de flexibilité et de liberté au travail bien plus ancrée en eux que chez leurs aînés.


Comme l’écrit très justement Claire Marin dans « Rupture(s) », « les croyances sont comme un enclos imaginaire dans lequel nous évoluons. »
Le principe tient de la posture, pour couper court au dialogue. La croyance est une idée que l’on se fait d’une situation. Elle parle plus de soi que de l’autre puisqu’elle émane de ce que je crois être vrai. Elle est ma vision du monde. C’est une généralité que je transfère sur une situation particulière. Par définition, elle ne répond pas à la situation.



5 – Le télétravail est justifié en raison de la réduction du temps de transport

Le confort psychologique de se passer d’un temps de déplacement long légitime la demande.

Voici donc pourquoi le télétravail est accepté, non discutable en somme. La condition qui le permet, le temps de transport, est logique et mesurable. Sans le décrier, le propos ici est de regarder un peu plus loin. 
L’écologie est un sujet multi-facettes. L’écologie relationnelle est trop peu reconnue. Outre le fait d’œuvrer pour la planète, réduire ses déplacements et travailler chez soi ou dans un espace de coworking produit des avantages collatéraux : plus de tranquillité, une respiration dans un rythme hebdomadaire soutenu, une concentration continue, une plus grande disponibilité d’esprit pour réfléchir, travailler en profondeur. Par le chaos qu’elle génère, la crise répond à son acception étymologique, en créant des opportunités.



6 – Le télétravail est un privilège 
Il s’agit ici de déconstruire le privilège du télétravail et de le reconnaître à sa juste valeur.

Le télétravail est limité, pas tout à fait considéré comme du travail. 
Que se passe-t-il dans l’inconscient collectif ? Est-ce la domination de la croyance du « on en bave au travail ! » ou du « on travaille dur ! » qui range le plaisir au travail au rayon des idées loufoques ?

Le télétravail apparaitrait-il comme un privilège car, comme on est chez soi, ce n’est pas vraiment du travail. Il n’y a qu’un pas. Si on poursuit le raisonnement, cela signifierait-il que la maison est un refuge et qu’y travailler permet de se soustraire à la jungle de l’entreprise ? Que se joue-t-il à cet endroit ? Est-ce la possibilité de boire un café ou un thé, de gérer son temps comme on le souhaite, de travailler dans une tenue cool, de travailler détendu qui apparaît comme un privilège ? Si tel était le cas, cela parlerait de tous ces soulagements qui compensent autant de contraintes dont on souhaite s’extirper.

Le temps est le grand apprentissage du télétravail. Le temps dévolu à l’entreprise, le temps de travail, son rythme de travail, le temps de travail avec les autres. Ces différentes temporalités répondent à des objectifs différents voire divergents. Par définition, le cycle temporel d’une entreprise n’est pas celui d’un être humain. Or, on fait comme si ça l’était.
Travailler à son rythme, sans être dérangé, devient un luxe. Pourquoi s’en priver dès lors que les intérêts de l’entreprise et des personnes convergent ? 
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? 

A cette prise de conscience, s’ajoute la question de savoir quelle attitude adopter quand certaines professions peuvent être exercées à distance alors que d’autres ne peuvent pas ? Pourtant, le travail à distance des commerciaux ou des consultants paraît faire partie des cultures d’entreprise. En quoi le télétravail, nouveau travail à distance, est-il différent ? 
Là encore, il y a une grande confusion entre deux termes : égalité et équité. On ne parle pas de la même chose. L’égalité suppose que tout soit égal partout. Ce n’est pas possible car les contextes professionnels de chacun diffèrent. Égalité de traitement ne signifie pas solutions identiques mais plutôt solutions équivalentes.
Pense-t-on bien quand on croit qu’un vendeur en magasin demande à faire du télétravail au même titre que l’assistante des ressources humaines ? Les contextes professionnels sont tels que certaines professions ne se prêtent pas à cet exercice. En revanche, en termes d’équité, si on part du postulat que le télétravail est un allègement du rythme de travail et permet au salarié de « souffler », que peut-on proposer au vendeur en magasin qui lui permette de se sentir traité à égalité c’est-à-dire en égal (et non pas en égalité), et bénéficier d’une compréhension ou sollicitude par rapport à son contexte ? 

L’égalité est sur le besoin, pas sur la solution. En cela, nous sommes tous ramenés à notre humanité la plus simple qu’il soit. Besoin de souffler, de se retrouver seul pour rester concentré, de décompresser ou de s’extraire du flot quotidien de frénésie. 
C’est simplement humain et humainement simple.

Cette seule nuance nous invite alors à nous interroger sur le comment fait-on ? A cet endroit, la dimension managériale développée en entreprise est essentielle pour avancer sur cette palette de potentiels. Certains s’alarment : « On ne peut pas faire du cas par cas ». Certes. Et si, au lieu d’avoir autant de cas que de personnes, émergeaient des besoins similaires ? Permettre de la variété et proposer quelques ajustements requiert des managers un suivi et une subtilité d’écoute qui, quand elle leur manque, les renvoie à une impuissance de décision. Les besoins essentiels des humains sont toujours les mêmes, ils ne sont pas si nombreux que ce que l’on croit. 

La contrepartie de cette simplicité est exigeante. Elle requiert de la part des managers d’être clairs sur ce qu’ils décident et transmettent, de savoir remettre le pain sur la planche, et, toujours, de répéter. Oser dire, dialoguer, décider et remettre au débat.

Cette croyance du travail à la maison dénaturé de sa dimension professionnelle interroge également le travail domestique dont on a beaucoup parlé pendant le confinement. Le distinguo travail rémunéré et travail non rémunéré prend ici tout son sens. 
S’occuper d’une maisonnée, d’un foyer (travail de logistique : courses, ménage, achats de fonctionnement, travail d’intendance : cuisine, restauration, travail d’éducation : règles de vie en communauté, d’accompagnement aux devoirs, travail de soin : prendre des nouvelles, s’intéresser à l’autre, soigner…) nécessite du temps, des compétences, de l’attention, de la vigilance, une certaine connaissance des us et coutumes des occupants, etc. 
Ce travail, fait naturellement, est déconsidéré car normal donc banal. Toutefois, la normalité n’exclut pas la nécessité de ce travail que l’on ne voit plus car (con)fondu avec le quotidien. Malheureusement, nous avons tendance à nous en rendre compte lorsque les personnes qui l’effectuent ne sont plus là.
Ce dévouement s’est retrouvé pendant le confinement, la presse en a beaucoup parlé sans aller toutefois plus loin dans l’analyse du mot travail. Sémantique toujours. Il conviendrait de développer cet aspect.Ouvrons seulement une porte : et si nous nousinterrogions sur le travail et le regardions sous un angle de progrès ?

Une réflexion de fond est à mener sur le travail, sur ce qu’il est au sein de l’entreprise, pour chaque individu et quels intérêts il sert. 

7 – Le télétravail ne peut pas être à 100% car il distend le lien
La question de la qualité de vie au travail, du bien travailler ensemble vient justement interroger ce qui constitue le lien entre les personnes et comment ce lien est nourri. 
Au-delà du lien entre qui et qui, c’est le sens du lien qui émerge. Pour quoi, quelle cause justifie de nous mettre en lien ? 

Au cours d’un entretien, par cette phrase suspendue « Des gens se sont découverts », une personne relevait qu’ils ont apprécié une facette inconnue de personnes qu’ils connaissaient.

8 – Le télétravail suppose desmoyens techniques et, notamment, de sauvegarder la confidentialité des données
« Finalement, on a mis un VPN et tout le monde a pu se connecter et travailler. » 

Ces questions, qui passent pour être des questions de fond dans le fait que le télétravail ne se soit pas développé, ont immédiatement rencontré des solutions suffisantes voire satisfaisantes.

Si seule la magie avait opéré, il serait normal que le charme disparaisse. Il s’avère que les personnes s’y sont investies. Elles ont élaboré collectivement des fonctionnements sans a priori, mues par l’obligation de trouver des solutions pour continuer à travailler, solutions plus ou moins viables sur le moyen-long terme mais intéressantes à explorer. 

Lesverbatimsont éloquents :
« Le service informatique a été incroyablement performant », « J’ai été surpris par leur réactivité », « Les professionnels ont été incroyablement agiles »,  » J’ai été très agréablement surpris », « Ça a confirmé l’engagement de l’équipe ».

Ce degré de surprise de la compétence et de la réactivité des équipes est considérable.

Estime-t-on à leur juste valeur les équipes, les professionnels, soi-même ? Quels sont les d’espaces d’expérimentation, les marges de manœuvre pour faire évoluer les pratiques ? Exploite-t-on nos compétences ?  Responsabilise-t-on les acteurs-agents-professionnels ? 

Ce « on » est le système que, paradoxalement, nous alimentons par nos comportements personnels. 
Ne serait-ce pas la croyance persistante que nous avons besoin de chefs autoritaristes alors que, vraisemblablement, nous avons plutôt besoin d’attention, de présence, d’écoute, de sollicitude, à la condition d’œuvrer dans un cadre clair, connu et … équitable.

Ce dernier point est également omniprésent dans les entretiens. Nous l’abordons plus loin.

            C – Plongée en profondeur dans les enjeux implicites


1 – Au fond, qui décide ?
La place et le pouvoir du manager dans l’octroi ou le refus du télétravail posent la question de l’arbitraire. Régulièrement, le manager se retrouve en première ligne. Or, il est une courroie de transmission entre l’organe de décision et la déclinaison opérationnelle des décisions prises au plus haut niveau de responsabilité. D’où notre question : où est la Direction de l’entreprise ? 
Cette interrogation en appelle une autre, plus subtile, qui introduit les notions deresponsabilité, de périmètre et de pouvoir également. Jusqu’où la Direction exerce-t-elle sa responsabilité ? Concomitamment, jusqu’où le manager exerce-t-il la sienne ? 
Il ne s’agit pas ici de répondre tout de go à ces sujets mais de remettre en question, au sens de questionnement, le cadre issu de la culture de l’entreprise, le mode de management privilégié, la gestion des collectifs, le lien avec les clients, etc. Car, dans une vision systémique, chacun fait partie d’un tout et le tout s’exerçant sur chacun. Un proverbe chinois nous dit que pour nettoyer l’escalier, il faut commencer par le haut. Le manager décideur est décideur car cela lui est permis implicitement ou explicitement.

Nous verrons plus loin de quoi nous parle le cadre sur le plan des comportements, de principes fondamentaux de conduite des hommes comme l’autorité, la confiance et l’équité. 
Le cadre flou, si souvent décrié, n’est pas un gage de confiance mais devient un gage de défiance au regard des interprétations multiples qu’il permet. 
En laissant la place à l’arbitraire ou à la discrétion d’une personne, il insécurise le tout : les hommes et le système et génère, à petites doses, un sentiment d’injustice. L’injustice nourrit la colère et le ressentiment. Elle fait souvent le lit des mouvements sociaux, du burn-out, des atteintes à la santé mentale.

2 – Le télétravail s’annonce comme un nouveau mode de travail à distance
Alors que « ça fonctionnait avant », le confinement porte atteinte aux modes de fonctionnement plus ou moins confortables auxquels nous nous sommes néanmoins habitués et nous demande un effort de réflexion en nous projetant dans un nouveau possible. S’il n’est pas agréable de sortir de sa zone de confort, il est bien plus rassurant de l’agrandir. Comment établir dès lors de nouvelles règles de travail en inventant, en nous inspirant des situations vécues et de ce nous connaissons ? Les commerciaux par exemple sont des travailleurs à distance depuis belle lurette.
L’exercice professionnel à distance est une des facettes du travail, minoritaire juste avant le confinement, qui s’est développée rapidement et pour laquelle il nous revient de nous poser. Se rappeler ce que l’on sait, se remémorer que le travail à distance est un sujet connu et géré depuis de longues années pour les métiers nomades nous ramène dans une réalité apaisée. 
La sérendipité est un de nos apprentissages.

3 – Le débat sensible entre Égalité et Équité
La dichotomie travail opérationnel-travail de service ravive en douce la rivalité des cols bleus et des cols blancs, ceux qui font et ceux qui pensent. 
Le confinement nous a gentiment rappelé une grande loi simple et naturelle, qui régit tout écosystème : l’interdépendance. En l’occurrence, l’interdépendance des métiers est prégnante. En temps d’urgence, la réponse du Faire, pour faire face, trouve sa source dans un réflexe de survie.
L’hétérogénéité des métiers est une donnée. La situation en est une autre. Les compétences, aptitudes et comportements des personnes encore une autre. 
Dans cette mise en perspective, le télétravail a été une des grandes solutions pour maintenir une continuité des services en général et un maintien de l’économie marchande. Sur le terrain, les opérationnels ont été présents. 
Pour certains, le télétravail a pu paraître comme un privilège (de rester chez soi dans un univers sécurisant, de ne pas être confronté au virus, d’être son propre chef, de s’extraire d’un environnement professionnel pressurisant). La situation parait alors injuste car inégale. 

De ce point de vue, elle l’est. 
En même temps, quand notre métier ne se prête pas au télétravail, qu’y faire ? A cet instant, la notion d’équité permet d’introduire une nuance qui prend en considération le contexte de chacun et permet de répondre aux singularités de façon globale. 
L’égalité amène une notion d’équivalence utopique dans le monde du travail, que sa complexité ne permet pas, propre à produire des usines à gaz pour répondre à une chimère. En revanche, la notion d’équité introduit la notion de justice voire de justesse par rapport à une personne, un groupe de personnes ou une situation. Cette vertu consiste à régler sa conduite sur le sentiment naturel du juste et de l’injuste. La situation devient apprenante et nous amène à en tirer parti intelligemment. 
Le télétravail confronte les décideurs et managers à cette subtilité de perception et à la finesse de leurs métiers. Elle exige d’eux un niveau de lecture averti, une capacité à écouter vraiment, décider et communiquer.
Serait-il fou d’imaginer du télétravail pour certains et l’allègement d’une contrainte professionnelle (horaire, exécution d’un travail, polyvalence ou autre) pour répondre aux aspirations des personnes en équité ? 
C’est un travail d’équilibriste qui suppose de dialoguer pour savoir de quoi il retourne, de connaître vraiment les attentes des personnes tout en gardant en ligne de mire l’intérêt général constitué de celui des organisations ET de celui des personnes. Il ne s’agit pas de satisfaire tout le monde mais d’être raisonnable pour tout le monde, le garde-fou étant que le contexte est mouvant et donc peut demander des ajustements à tout moment.

  FORCES   FAIBLESSES
– Réduction des temps de transport 
> Moins de fatigue
– Marge de manœuvre agrandie, réappropriation de son temps et de son travail
– Respect du rythme de vie personnel
– Allègement d’une contrainte globale
– Meilleure concentration, sans dérangement
– Espaces diversifiés en fonction des activités 
– Étouffement de la créativité : moins de stimulation, la spontanéité de l’imprévu disparaît

– Environnement inadéquat : la frontière perso-pro est délicate et peut être source de problèmes (invasion sur la sphère familiale, charge mentale car besoin de cloisonner les sphères. La porosité entre les sphères est acceptée, pas la fusion) – Sensations d’abandon pour certains car besoin d’être en relation 
  OPPORTUNITÉS   MENACES
– Respect des rythmes personnels 
> La détente vis-à-vis de l’entreprise peut être source de bien-être et de performance nourrissant la motivation 
– Met le doigt sur la disparité des équipes et la richesse des profils
– Solliciter un cadre structurant et sécurisant grâce à des process formalisés
– Devenir acteur d’une évolution irréversible

– Développer les compétences managériales des personnes en poste à responsabilité 
> Qu’est-ce que gouverner, diriger, animer ?
– Déléguer et promouvoir la polyvalence

– Cultiver le lien : qu’est-ce que cela signifie ? 
> Ouvrir un nouveau champ de développement pour soi, les hommes et les entreprises, et la société.

– Savoir de quoi l’on parle 
> Sortir du concept pour vivre une expérience 
– Travailler en subtilité – Pointe les limites du système managérial en place et permet de le questionner 
– Confondre cadre et contrôle
> Glissement vers la télésurveillance ou le télé-contrôle
– Déni d’une mutation sociétale profonde et maintien de comportements arc-boutés sur un monde qui disparaît peu à peu, destiné à évoluer. 
> Vouloir résister à une évolution inéluctable – Rester focalisé sur le télétravail au lieu de reconsidérer le travail 

– Penser aux postes qui ne peuvent être occupés en télétravail 
> S’obstiner sur l’égalité sans explorer l’équité  – Voir en priorité dans le télétravail l’occasion de faire des économies
> Privilégier une vision à court-terme non durable

Un état des lieux du télétravail représentée via la matrice SWOT 
(Strengths – Weaknesses – Opportunities – Threats)

Zone de Texte: Coup de théâtre : évènement imprévu survenant au cours d'une pièce

Caractéristiques : 
- Imprévisibilité
- Soudaineté
- Rupture dans la narration  data-lazy-src=