Parler de qualité de vie au travail ou QVT dans un contexte aussi mouvementé pourrait tenir de la gageure. Pourtant, le confinement attire notre réflexion sur d’autres facettes de cette fameuse QVT, contrecarrant certaines idées reçues et enrichissant notre nuancier des perceptions.
A l’ère de l’apparence, baby-foot, open space, distributeurs de fruits ou salles de repos en entreprise ont été des actions refuge mettant en scène une certaine vision de la qualité de vie au travail. La lutte pour la santé collective fait tomber les masques et nous amène à jouer la partition de l’être.
Sur le plan matériel, la période est pénible. Sur le plan humain, elle est instructive. Sur le plan professionnel, elle est constructive et libératoire.
Matériellement parlant, de façon globale, les conditions de travail ne sont pas vraiment à leur meilleur niveau. Que l’on parle de télétravail, de port d’équipements de sécurité sanitaires, de multiples précautions à prendre, de manque de main d’œuvre, d’exposition physique, d’interactions personnelles en berne ou de charge mentale, nous avons vécu mieux. Malgré cela, faisant fi des sensations d’angoisse, de solitude et de la fatigue, le travail se fait.
Sur le plan humain, une valeur constante, transverse, fait lien et tisse une toile invisible entre nous tous, nous, acteurs actifs ou acteurs passifs du confinement : notre humanité. Que nous la manifestions en allant sur le terrain, en applaudissant à nos balcons ou en étant bénévole, elle nous conforte dans ce lien puissant qui nous relie et nous fédère.
Le contexte d’urgence s’impose à nous. L’urgence et le devoir d’efficacité prennent le pas sur les jeux de pouvoir et la rétention d’information. Elles abolissent ces distorsions. Un journal de crise des blouses blanches, relayé par le Monde, relate que « Face à la crise, tout l’hôpital s’est réorganisé en faisant fi des services, en faisant sauter les cloisons entre spécialités. C’est grâce à cette petite révolution qu’on a pu faire face à la pandémie en dégageant des lits et des bras (…) On n’a jamais aussi bien travaillé durant cette période. On a fait que de la vraie médecine d’urgence.«
Chassez le naturel, il revient au galop. Nous sommes faits pour interagir et être en relation. La rationalisation du travail à tout crin ne tient pas face à l’urgence pour laquelle il est vital de détendre le système. Dans notre contexte actuel contraint, le bon sens et l’intelligence de situation priment, pour donner le meilleur.
Dans notre quotidien professionnel habituel, nous éprouvons notre lien à l’autre en interagissant au gré des situations qui se présentent à nous. En les mettant en vie, nous sommes en vie. C’est ainsi que nous devenons inventifs, courageux, audacieux, vigilants, avisés, souples, et apprenons.
Sur le plan professionnel, ce lien fait le lit du Bien travailler ensemble. Cette perspective, dans une dynamique vivifiante de QVT, nous ouvre au plaisir de faire ensemble et de contribuer à hauteur de nos capacités, sachant que le résultat sera supérieur à ce que nous aurions pu envisager en étant seul.
Fonctionner ensemble et mettre la main à la pâte, dans un but commun, faire appel à cette fameuse intelligence collective, somme des intelligences individuelles, est particulièrement stimulant. Sans nul doute, contribuer à une partition bien orchestrée plus grande que nous nous fait grandir. Cela nous élève car cela nous connecte à notre potentiel.
La QVT deviendra-t-elle une notion passée de mode pour laisser place à l’aspiration plus féconde et prometteuse du Bien travailler ensemble ?
Si nous avions une donnée essentielle de la QVT à retenir, la qualité des relations de travail serait l’indicateur clé. Sans nous bercer d’illusions sur la bienveillance, notion tartine en vogue dans les entreprises, mais en nous rapprochant d’une pratique concrète du respect de soi et de l’autre, nous pouvons nous demander si, pour bien travailler ensemble, il ne faudrait pas déjà nous regarder avec plus de considération, oserai-je le mot « amour », les uns les autres ?
Article rédigé en avril 2020